Fondation Lucie et André Chagnon

EN
Accueil Fermer
Nouvelles
Retour
22 septembre 2022

Crise du logement : la perspective de nos partenaires

Entrevue avec

Cette année encore, des ménages se sont retrouvés à la rue le 1er juillet, n’ayant pu se trouver un logement adéquat à temps. Mais cette année, plus que jamais, les circonstances ont été aggravées par les effets combinés de la pandémie de COVID-19, de la pénurie de main-d’œuvre et de la hausse du prix des loyers. Regards croisés sur une problématique de plus en plus complexe et sur des solutions possibles.

L’état de la situation : un réseau au maximum de sa capacité

La Société d’habitation populaire de l’Est de Montréal (SHAPEM) gère un parc immobilier de plus de 1650 logements qui s’ancre dans des valeurs de mixité, de réciprocité, de solidarité et de bien commun. Mais depuis plusieurs mois, l’OBNL d’habitation, qui est aussi propriétaire et promoteur immobilier, peine à répondre à la demande ou, plus exactement, aux nouveaux besoins.

« Les populations déjà vulnérables ont été fragilisées davantage par les mois de pandémie. Beaucoup ne peuvent plus payer leur loyer pour différentes raisons : l'incapacité à remplir leur renouvellement de subvention au loyer; la PCU qui a augmenté leur revenu l’année dernière les disqualifiant pour obtenir la reconduction de leur subvention au loyer cette année, malgré la baisse importante de leurs revenus; les problèmes de santé mentale exacerbés dans certains territoires où le besoin en services sociaux de première ligne est criant; des services qui ont totalement disparu, car les ressources ont toutes été affectées à la vaccination contre la COVID. Nos coûts d’entretien et de réparation ont aussi augmenté, et on craint pour le maintien de l’abordabilité... Bref, c’est la déroute », lance Jean-Pierre Racette, directeur général de la SHAPEM.

La directrice générale du Regroupement des Auberges du cœur du Québec (RACQ) partage ce désarroi. « On déborde partout pour nos jeunes en difficulté et on aurait besoin de plus pour répondre à la demande », affirme Paule Dalphond. Avec 31 auberges dans 10 régions, le RACQ héberge annuellement quelque 2500 à 3000 personnes âgées de 12 à 35 ans. En 2021, les demandes ont presque doublé.

Le manque de logement social et abordable peut être tout aussi criant en périphérie des centres urbains. Dans l’ouest de la Montérégie, une étude réalisée par l’analyste-conseil en habitation Allan Gaudreault a conclu qu’on devait y construire plus de 1000 nouveaux logements d’ici 2025 afin de répondre à la demande.

« C’est un contrecoup de l’étalement urbain qui amène des problématiques transversales d’abordabilité, de disponibilité, de conservation et de développement de logement social, et de transport collectif », explique Fimba Tankoano, directeur général de Concertation Horizon. Cet organisme est voué à assurer la mobilisation et la concertation des acteurs-clés régionaux et territoriaux en soutien au développement social et à la réussite éducative dans le but d’améliorer les conditions de vie des populations dans les territoires couverts par les cinq MRC (Beauharnois-Salaberry, Haut-Saint-Laurent, Jardins-de-Napierville, Roussillon et Vaudreuil-Soulanges). Au total, environ 450 000 personnes vivent dans la région, qui connaît une croissance démographique parmi les plus fortes au Québec.

Les impacts à long terme

Sur le terrain, c’est la multiplicité des impacts sur les populations vulnérables qui inquiète le plus. « Des jeunes sont anxieux et se replient sur des milieux qu’ils connaissent, explique Sébastien Lanouette, directeur général de Ressources Jeunesse de Saint-Laurent (RJSL). Certains retournent dans leur famille abusive, d’autres auprès de leur pimp ou de leur petit ami violent : c’est un retour à la case départ qui efface tout le travail qu’on a fait avec eux. »

Paule Dalphond, du RACQ, déplore évidemment ces retours à l’itinérance ou en contexte difficile. « Même les gens que l’on aidait en post-hébergement, donc qui allaient bien et qui s’en sortaient depuis trois ou quatre ans, sont revenus cogner à nos portes. »

Pour Jean-Pierre Racette, il s’agit là d’un problème systémique exacerbé par le contexte actuel. « Les données démographiques montrent que la pénurie de travailleurs ne va pas se régler. Il faut être créatif et repenser le système de logement social et abordable pour répondre à cette crise », précise-t-il.

Les solutions

Outre un financement accru, les personnes interviewées plaident toutes, d’une certaine façon, en faveur de changements en profondeur.

Le directeur général de la SHAPEM envisage des solutions organisationnelles. « Nous pourrions mutualiser certaines activités entre organismes d’habitation, ou s’hybrider avec des organisations semblables, car actuellement, on a dépassé nos limites de fonctionnement et celles de nos compétences », dit Jean-Pierre Racette.

Il salue avec enthousiasme l’annonce de la Ville de Montréal (1er juin 2022) de créer 60 000 logements sociaux et abordables d’ici 10 ans, mais il plaide du même coup pour un renforcement des capacités des organisations qui deviendront propriétaires d’une quantité très importante de logements.

Pour Concertation Horizon, le défi est structurel et est accentué par les différences existantes entre les milieux rural et urbain. « Les programmes d’aide financière ne sont pas, pour la plupart, adaptés à la problématique de l’ouest de la Montérégie, et les critères d’admissibilité sont trop restrictifs, compte tenu de la hausse du prix du logement moyen actuel sur notre territoire, entre autres », déclare Fimba Tankoano.

Pour faciliter et centraliser l’information aux MRC Roussillon et des Jardins-de-Napierville, un Service d’aide à la recherche de logement (SARL) a été mis sur pied par l’Office municipal d’habitation de Châteauguay. Ce service d’accompagnement soutient les citoyens et citoyennes dans leurs recherches en matière de logement. « Avec plus d’initiatives concertées comme celle-ci, les citoyens n’auraient plus à chercher des solutions à travers les nombreux organismes de la région », précise-t-il.

Il ajoute que les gouvernements provincial et fédéral devraient tenir plus compte de la réalité des élu(-e)s hors des centres urbains. Dans la région, ils et elles font souvent face, malgré leur volonté d’agir marquée, à une insuffisance de ressources municipales spécialisées qui pourraient les accompagner dans leurs actions pour affronter des problématiques sociales. Par exemple, avec les déplacements des populations vulnérables engendrés en partie par le phénomène de l’étalement urbain, il serait logique de penser qu’un investissement en ressources supplémentaires devrait être réalisé dans les milieux ruraux et semi-urbains en guise de réponse et de renforcement de la capacité d’agir des élu(-e)s et des municipalités touchées.

Pour Paule Dalphond et Sébastien Lanouette, qui travaillent auprès des jeunes, les solutions passent par davantage de possibilités de « sorties » du fameux système dans lequel ces jeunes se trouvent, souvent, depuis leur enfance.

On devrait multiplier des initiatives, comme le suivi post-hébergement assuré par le réseau des Auberges du cœur, ou encore créer des appartements supervisés favorisant l’autonomie ou des pratiques d’affiliation sociale. « Il faut leur offrir des milieux qui leur ressemblent plutôt que des milieux liés à leur problématique », dit Sébastien Lanouette, en ajoutant que certains endroits ont commencé à s’ouvrir à la mixité en accueillant des mères célibataires, par exemple, dans une maison d’hébergement pour jeunes.

En guise de mot de la fin, Paule Dalphond rappelle le slogan du Regroupement des Auberges du cœur pour montrer comment une intervention efficace contribue à changer des vies et à régler une partie du problème: « Les jeunes qui y entrent s’en sortent! »

À voir et à lire

Suggestions de Fimba Tankoano

Suggestions de Paule Dalphond et Sébastien Lanouette

 

Entrevue menée en juin 2022










Merci de votre aide pour améliorer nos contenus

Poursuivre la navigation